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Organiser un voyage quand on est handicapé

Pour les personnes à mobilité réduite et autres personnes à besoins spécifiques, le quotidien peut parfois sembler bien plus compliqué que celui des valides. Pourtant, à force d’apprentissage, de patience et d’intégration des changements d’habitudes, peu de choses sont finalement totalement impossibles, pour autant qu’on prenne le temps d’y réfléchir et de faire les choses correctement.

Nous voulions reprendre ici une trame générale qui vous permettra d’organiser au mieux vos voyages si vous décidez de partir découvrir le monde. Ce n’est ni une formule magique ni du bla-bla pondu par un valide hors-sol qui ne sait pas de quoi il parle. C’est juste notre expérience personnelle que nous essayons de partager.

Les contraintes

Si l’adage « connais-toi toi-même » parle généralement plus aux personnes en questionnement spirituel ou philosophique, il est extrêmement important pour organiser un voyage adapté de connaître ses limites, ses contraintes ou ses besoins, et surtout l’aide nécessaire pour garantir un minimum de confort à la personne qui en bénéficie.

Il ne faut donc pas hésiter à faire une liste précise des choses spécifiques du quotidien que l’on a adapté pour vivre le plus normalement possible. Voici par exemple de dont a besoin Steph lorsqu’on part hors de la maison quelques jours :

  • Aide au transfert : un lève-personne ou une aide suffisante pour passer du lit à la chaise ou aux WC et inversement ;
  • Aide à la toilette : une douche à l’italienne et une chaise de douche ;
  • Lit adapté : un lit surélevé permettant des manipulations pas trop compliquées, et une panoplie de coussins ou couvertures pour trouver la bonne position pour dormir ;
  • Alimentation électrique : charger le fauteuil roulant au moins 1x toutes les 24h (surtout si on roule beaucoup) ;
  • Un frigo pour garder le sirop magique au frais si on part plus de 120 heures (5 jours)
  • Déplacement : il faut un véhicule qui peut embarquer le fauteuil roulant électrique, et idéalement où on peut laisser Steph dedans pour éviter les manipulations lourdes.

Il ne faut pas hésiter à être exhaustif et à indiquer le degré de nécessité de chaque besoin : confort ou vital. Par exemple dans notre cas un lit adapté ou une aide à la toilette sont importants pour le confort, mais on peut vivre sans pendant quelques nuits. Par contre l’aide au transfert et le frigo sont vitaux sous peine d’en subir les conséquences.

Faites une liste aussi précise que possible, et gardez-la précieusement sous la main, elle servira.

Les outils

S’il est plus facile d’organiser les choses depuis quelques années, il ne faut pas se voiler la face, c’est grâce à l’Internet, au partage d’informations et aux applications spécifiques qui ont vu le jour.

Nous ne pourrons jamais assez vous recommander d’étudier minutieusement le fonctionnement de Google Maps et du site Booking.com, qui ont vu récemment émerger quelques petites options (parfois un peu cachées) qui permettent aux chaisards et autres personnes à mobilité réduite de filtrer assez efficacement le flot d’information.

Il est possible maintenant de vite voir si un lieu est praticable en chaise ou pas (il y a de plus en plus de petites icônes pour ça), et si un logement est dit accessible juste parce qu’il y a un ascenseur ou bien parce que les WC et la douche sont garantis adaptés.

La destination

Ca peut sembler bizarre, mais contrairement aux personnes n’ayant aucune contrainte, la méthode pour sélectionner une destination commence par se poser une série de questions en relation avec les besoins précédemment décrits : y-a-t-il un endroit où dormir qui rencontre les différents besoins à l’endroit que nous aimerions visiter ? Peut-on le rejoindre en prenant en compte les besoins relatifs au déplacement ? Généralement, ces impératifs prennent le dessus sur les critères de beauté du lieu, du nombre d’étoiles de l’hôtel ou même du prix.

Il n’est pas rare de devoir ici faire des compromis que n’ont pas à faire la plupart des gens, et devoir débourser un peu plus pour avoir la certitude d’être à un endroit où on peut disposer d’un confort minimum pour la personne handicapée et celle qui l’accompagne (si c’est le cas).

Les activités

Ici aussi, il est important de prendre en compte les limites et les besoins à rencontrer et de rester les pieds sur terre (sans mauvais jeu de mot, évidemment). On préférera généralement une grande ville bien desservie en transports en commun, avec beaucoup de restaurants et de visites culturelles, plutôt qu’un trek de 5 jours dans la cordillière des Andes. Quoique.

En fait ici, il est important de comprendre qu’il y a autant de handicap et de contraintes que de personnes à besoins spécifiques, et que si on est prêt à faire des efforts et sortir de sa zone de confort pour vivre une aventure hors du commun, il est tout à fait possible de s’en donner les moyens. D’où l’importance de connaître ses limites, ses goûts et les implications pratiques des envies que l’on a. En fait c’est exactement pareil pour les personnes valides, c’est juste qu’elles ne s’en rendent pas compte parce qu’elles ne doivent pas y faire attention.

Par contre, il y a toujours une chose à prévoir quasi systématiquement et qui est universelle : la présence de toilettes adaptées pas trop loin. Ou bien un moyen de pouvoir se soulager d’une façon ou d’une autre sous peine de se gâcher le plaisir d’une activité attendue de longue date.

Vérifier. Tout. Et 3 fois plutôt qu’une.

Ca y est, vous avez trouvé un hôtel méga-accessible, à deux pas d’une gare et vous avez trouvé une agence de location qui vous promet un véhicule adapté où vous pourrez caser votre fauteuil roulant électrique pour vous rendre dans le parc d’attraction dont vous rêvez depuis toujours et qui vous promet des souvenirs et des images plein la tête ?

Minute.

Pour éviter beaucoup de déceptions, nous vous conseillons de tout vérifier. En détail.

  • Cherchez un maximum de photos de l’hôtel où vous voulez réserver. Et des photos si possible prises par des clients qui évitent les grands angles et montrent les vraies dimensions. Contactez l’hôtel directement, et demandez une confirmation écrite de l’accessibilité des lieux et que c’est bien conforme à vos besoins. Par exemple, nous vérifions toujours l’espace disponible en-dessous du lit (min 10 cm) pour garantir l’utilisation d’un lève-personne, et qu’il est bien possible de faire livrer et retirer le matériel dans le lieu où nous dormons
  • Vérifiez que la gare où vous voulez vous rendre est bien accessible et qu’elle dispose bien de l’assistance adéquate pour sortir du train où y monter. Renseignez-vous sur les procédures d’assistance, et si et quand cela doit être réservé.
  • Le véhicule que vous voulez louer est-il bien adapté à votre chaise ? Y-a-t-il toutes les sécurités et les sangles nécessaires pour garantir un transport sans danger ? Ici aussi, multipliez les photos, et si possible les contacts avec la personne qui loue le véhicule pour vous assurer que tout roulera (lol).
  • Le lieu où vous rêvez d’aller est-il bien praticable pour vous, et dispose-t-il des facilités nécessaires pour vous accueillir ? Pouvez-vous trouver en ligne des témoignages de personnes dans une situation similaire à la vôtre qui parlent de leur expérience ?
  • Pour les restaurants, vérifiez bien que le niveau d’accessibilité ne se limite pas à la terrasse si vous visitez la mer du Nord au mois d’avril, vous risqueriez d’attraper un rhume…

Prudent, pas parano.

A force d’avoir peur de tomber sur une mauvaise info ou de gâcher un moment, on peut parfois sombrer dans une espèce de paranoïa généralisée qui fait douter de tout, tout le temps.

Même s’il y a des « faux sites » et des choses trop belles pour être vraies, le seul vrai souci est la qualité de l’information disponible. Cela dépend souvent de l’expérience que la personne qui fournit l’information a avec les problèmes d’accessibilité et le handicap. C’est le facteur humain, c’est comme ça, si un propriétaire de resto a une grand-mère ou un petit cousin en fauteuil roulant, il pensera à faire ce qu’il faut pour rendre son établissement accessible. Sinon, l’invisibilisation systématique des problèmes d’accessibilité fait son oeuvre, et (presque) tout le monde s’en fout.

Il est à noter que le niveau de rigueur de la population locale pour les règles d’accessibilité joue beaucoup dans le niveau d’accessibilité global d’une région.

A Londres, on ne peut pas avoir de licence de Taxi si le véhicule n’est pas PMR. Au Japon, il est hors de question qu’un lieu public ne dispose pas de toilettes adaptées, c’est une question de principe. Ce n’est pas partout pareil, et il faut apprendre à connaître les destinations convoitées, le niveau de vie, d’éducation et de bienveillance d’une population pour pouvoir deviner rapidement à quel point il faut être prudent sur les facilités d’accès ou pas.

Et si ça foire quand-même ?

Corrollaire de la célèbre loi de Murphy, nous pensons que si quelque chose doit foirer malgré tout le soins mis à le préparer, cela ne sert à rien de se rendre inutilement malade d’inquiétude et qu’il faut apprendre à relativiser (mais parfois c’est dur). Si ça doit foirer, ça foirera, et puis on continue d’avancer de toute façon. Prévoir des plans B, des itinéraires alternatifs et des assurances au cas où, ça peut aider, mais ça ne remplace pas le bon état d’esprit quoi qu’il arrive.

Il est probablement plus important d’avoir envie de faire quelque chose et de se donner les moyens de le réaliser que de se focaliser sur les éventualités malencontreuses qui peuvent survenir et de ne finalement rien faire par peur des problèmes.

Il y a toujours des problèmes, quoi qu’il arrive. Il faut pouvoir se donner les moyens de les surmonter, et de se rendre compte que ça finira toujours en bonne histoire à raconter et puis finalement en bon souvenir.

Je vous ai parlé de la fois où mon chargeur de fauteuil roulante électrique n’a pas fonctionné à Tokyo ? 🙂

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